C’est avant tout le procès d’un périple sanglant, un peu oublié. Un rendez-vous judiciaire attendu par les nombreuses victimes qui ont croisé le chemin de Khamzat Azimov, un soir de mai 2018, dans le quartier de l’Opéra Garnier, à Paris. Armé d’un couteau de delicacies, ce jeune Franco-Russe de 20 ans, né en Tchétchénie et radicalisé, bénisse une dizaine de passants et tue un homme de 29 ans qui sortait du travail. Les tirs des policiers, intervenus rapidement, mettent fin à son périple meurtrier, lengthy de six minutes.
Avec la mort de l’auteur de l’attaque, revendiqué par Daesh quelques heures après, l’motion publique s’éteint. D’autant que l’enquête ne permettra pas d’identifier les complices. Pourtant, la boîte des accusés ne sera pas vide, ce mercredi, à la cour d’assises spécialement composée.
Le meilleur ami de l’assaillant, Abdoul-Hakim Anaiev, âgé de 25 ans, est jugé pour « participation à une affiliation de malfaiteurs terroristes en vue de la préparation de crimes d’atteintes aux personnes ». Dans leur ordonnance de mise en accusation, consultée par 20 minutes, les juges d’instruction écrivent que l’accusé a joué un « rôle central » dans le « conditionnement » du terroriste qui avait noué, « avec l’aide et l’impulsion » de Abdoul-Hakim Anaiev, des « contacts » avec des « sympathisants de l’Etat islamique et de la djihadosphère ». « Ces contacts ont permis le passage à l’acte de Khamzat Azimov et la revendication de son attentat, par l’État islamique, par la diffusion de sa vidéo d’allégeance testamentaire », estiment les magistrats.
« Je vais vous planter »
Retour au 12 mai 2018. Vers 20h42, Ronan Gosnet, employé d’une librairie, type du travail et appelle son ami Arthur. Soudain, alors qu’il marche rue Marsollier, Khamzat Azimov s’approche de lui par-derrière et tente de l’égorger. La victime essaie de se défendre. Mais le terroriste parvient au poignarder à plusieurs reprises. Ronan Gosnet décède quelques minutes plus tard sur la chaussée.
L’assaillant file rue Saint-Augustin et s’en prend à un autre passant, résident du Luxembourg et de nationalité chinoise, qui cherchait un restaurant où dîner avec sa femme et ses amis. Khamzat Azimov lui assène des coups de couteau dans le dos et à la tête. La pointe de la lame, qui était logée dans son crâne, sera retrouvée deux mois et demi après l’attaque par des médecins luxembourgeois. Le fait que l’arme se soit cassée a probablement sauvé la vie des autres passants blessés ensuite par Khamzat Azimov.
Le terroriste agresse un jeune couple, qui allait au restaurant, en hurlant « Allah Akbar ». Après ça, il tente de porter des coups de couteau à la gorge d’un jeune homme, sans y parvenir. A 20h44, rue du Gaillon, il s’attaque à une femme sans abri âgé de 54 ans et lui porte des coups de couteau au visage et dans le dos. Puis, il fonce sur un homme de 33 ans qui revenait d’un dîner entre amis au restaurant et tente de lui porter un coup avec son arme dans le ventre. A 20h48, Khamzat Azimov emprunte le passage Choiseul, où il croise la route d’une femme de 52 ans. Il se jette sur elle, la roue de coups et tente, elle aussi, de la poignarder en criant « Allah Akbar ».
A 20h48, il emprunte une nouvelle fois la rue Saint-Augustin où il se retrouve face à trois policiers à qui il hurle : « Je vais vous planter. Pneu, pneu ». Ils finissent par ouvrir le feu sur lui à deux reprises après avoir tenté de l’arrêter avec leur taser. Il meurt des suites de ses blessures.
Un assaillant « renfermé » et « taiseux »
Le lendemain, Daesh revendique l’attentat sur Telegram. Le groupe terroriste diffuse la vidéo testamentaire de l’assaillant. Cette diffusion prouve que l’assaillant « avait réussi à nouer, de son vivant, des liens avec des sympathisants ou des membres de l’organisation qui lui avaient fourni le mode opératoire pour lui permettre cette proclamation d’allégeance », estiment encore les juges d’directions.
Le terroriste est identifié par les enquêteurs comme étant Khamzat Azimov, un jeune réfugié d’origine tchétchène, arrivé en France avec ses mother and father en 2010. Après avoir vécu un temps à Strasbourg, ce jeune homme « renfermé » et « taiseux » habitait avec sa famille dans un hôtel, dans le 18e arrondissement de Paris. Il avait déjà été entendu, en avril 2017, dans le cadre d’une procédure pour affiliation de malfaiteurs terroristes concernant Inès H., l’épouse religieuse de son meilleur ami, Abdoul-Hakim Anaiev. A l’époque, la jeune femme avait tenté à deux reprises de se rendre en Syrie pour rejoindre Daesh.
« Rôle primordial dans le conditionnement de son meilleur ami »
Pour l’accusation, Abdoul-Hakim Anaiev était depuis longtemps un « membre actif » de la propagande pro-Daesh sur Twitter, où il vantait « les mérites du martyr ». Après l’arrestation d’Inès H. en Hongrie, en 2017, il avait même chargé Khamzat Azimov d’effacer toutes traces de ses activités de propagandistes sur les réseaux sociaux, reprises par la suite.
En présentant virtuellement puis physiquement à Khamzat Azimov d’autres individus radicalisés lors de « rencontres, qualifiables de conspiratives », l’accusé a eu « un rôle primordial dans le conditionnement de son meilleur ami », insistent les magistrats instructeurs. « A défaut de prouver une entente préalable » entre Khamzat Azimov et Abdoul-Hakim Anaiev, les éléments – parfois troublants – recueillis par les enquêteurs « démontrent une totale adhésion à l’acte de son meilleur ami », expliquent-ils encore dans leur ordonnance de mise en accusation.
Un risque d’« amalgame » avec l’attentat d’Arras
« Ce procès est essential pour mes shoppers automobile ils ont eu un peu le sentiment d’avoir été victimes d’un attentat, particulièrement terrifiant, qui a été un petit peu oublié. C’est un peu difficile pour eux alors que ça a eu des conséquences gravissimes les concernant », explique à 20 minutes Me Pauline Ragot, avocate de plusieurs victimes, dont le résident luxembourgeois et la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs (Fenvac). « Ils font la distinction et ne confondent pas l’accusé avec le terroriste qui est passé à l’acte. Ils savent très bien qui a lacéré leur visage, qui les a terrorisés, qui les a poignardés. Ils savent que c’est Azimov et qu’il est mort. En revanche, ils savent – c’est leur conviction – que sans l’accusé, cet attentat n’aurait peut-être pas eu lieu. Aujourd’hui, ils ont envie de savoir, de comprendre remark ce passage à l’acte a pu avoir lieu. »
Contacté par 20 minutes, l’avocat de Abdoul-Hakim Anaiev, Me Florian Lastelle, n’a pas souhaité faire de commentaire avant l’ouverture du procès. Après l’assassinat d’un professeur dans un lycée d’Arras, le 13 octobre dernier, par un ancien élève de nationalité russe, le pénaliste « espère qu’il n’y aura aucun amalgame de fait dans la presse » avec cet attentat . Le procès d’Abdoul-Hakim Anaiev doit durer jusqu’au 31 octobre.