L’une est météorologique et s’abat, en deux temps, sur une bonne moitié du pays depuis cette semaine. L’autre est médiatique et se concentre davantage sur sa personne. « Entre deux tempêtes », comme l’écrit le chroniqueur de France Inter sur son profil X (ex-Twitter), Guillaume Meurice proceed d’entretenir un peu ses réseaux sociaux, renvoie ses abonnés à une ancienne une de Charlie Hebdo ou à un documentaire sur Brassens, participe en régions à des séances de signatures de son dernier livre. Mais l’humoriste de 42 ans refuse de revenir publiquement sur les secondes provoquées par sa dernière intervention radiophonique. « Je ne veux pas faire le service après-vente de la blague », nous fait-il savoir.
Ce dimanche 5 novembre, à 18 heures, cette determine de l’humour à la sauce France Inter ne prendra pas le micro pour une nouvelle chronique. Comme tous ses camarades du « Grand Dimanche soir », l’émission hebdomadaire désormais animée par Charline Vanhoenacker, Guillaume Meurice fera relâche, vacances oblige. A la place sera diffusé une émission better of. Une pause prévue de longue date, sans rapport avec la polémique consécutive à sa dernière intervention sur les ondes de la station publique, le 29 octobre dernier.
Au cœur de la controverse qui, dans un contexte électrique au Proche-Orient, alimente les réseaux sociaux et contrarie les hauts étages de Radio France : une blague visant le Premier ministre israélien, à la suite de la réaction militaire de son gouvernement en représailles des attaques terroristes menées par le Hamas le 7 octobre. « Halloween approche et tout le monde begin à chercher un déguisement pour faire peur. En ce second, il y a le déguisement Netanyahou qui marche pas mal. Vous voyez qui c’est ? Une sorte de nazi, mais sans prépuce », déclame Guillaume Meurice.
Une sortie qui a déclenché un tollé, certains internautes dénonçant des « propos antisémites ». « Prépuce ou pas : moi, je serais plutôt en faveur de circoncire le temps d’antenne de Guillaume Meurice », a réagi la rabbine Delphine Horvilleur. « Guillaume Meurice est un Dieudonné du service public payé par nos impôts », a estimé Thomas Ménagé, député RN au micro de France Inter ce jeudi.
Dès mardi, l’Arcom (le gendarme de l’audiovisuel) a été saisi. Le même jour, la directrice de France Inter publiait un lengthy message pour rappeler le principe de « liberté d’expression » dont jouit le quadragénaire, « comme tous les humoristes de la chaîne », tout en prenant ses distances avec les propositions tenues par Guillaume. Meurice, évoquant un choix de mots « particulièrement malvenu ».
« Cette phrase n’est en aucune manière représentative du travail quotidien de la rédaction de France Inter, qui s’efforce de couvrir le conflit israélo-palestinien de manière responsable, documentée, équilibrée, ni de la ligne éditoriale de la chaîne qui lutte contre l’antisémitisme, le racisme et toutes les formes de discrimination (…). Pour beaucoup, une limite a été franchie : non pas celle du droit, qu’il reste à établir, mais celle du respect et de la dignité », écrit Adèle Van Reeth dans une lettre publiée par la médiatrice de Radio France, après avoir énoncé sa place de voix vive à l’intérêt qui, depuis dimanche dernier, fait l’objet de « menaces de mort inacceptables », dixit sa patronne.
Pas de commentaire public, donc, de la half de celui qui, depuis près de dix ans, incarne l’un des poils à gratter de la station, aux côtés de la « bande des Belges » d’Inter, jamais en reste quand il s’agit de se moquer des pouvoirs en place. Mais sa consommatrice et productrice, la Belge Charline Vanhoenacker s’est fendue d’un lengthy message en cette fin de semaine.
Elle y défend « la satire politique, joyeux fleuron de la liberté d’expression » et assume préférer « le risque d’une maladresse plutôt que la censure ». Elle précise cependant : « Le climat de division, d’incompréhension et de haine qui règne en France rend actuellement l’exercice démocratique de l’humour très délicat, et j’estime, à titre personnel, que la stress a été mal jaugée » , nuance-t-elle, récusant en bloc les « accusations d’antisémitisme qui constituent une violence à notre rencontre ».
Parti en septembre dernier chez le concurrent RTL, l’ex de la bande, Alex Vizorek, est aussi clair sur ce dernier level. « S’il ya bien une certitude que j’ai, c’est qu’il n’est pas antisémite, martèle l’humoriste belge. Guillaume, c’est un sale gosse, je le dis avec affection. Il me fait penser à cette phrase que j’aime bien : je ne voulais pas casser une vitre, je voulais lancer un caillou. »
Et des cailloux, l’ancien gamin farceur en a lancé pas mal dans sa carrière. « Son ADN, c’est Charlie Hebdo, la satire politique… C’est sûrement l’un des plus assidus dans cet exercice, estime son collègue Djamil le Shlag, chroniqueur au Grand Dimanche soir. Il vanne de manière piquante, mais il vanne tout le monde. »
Frapper tout le monde, oui. Mais sans revendiquer la neutralité. En écoutant depuis des années ses passages radio, l’auditeur n’a pas besoin d’avoir fait de longues études de politologue pour comprendre de quel côté de l’échiquier se trouve celui qui a lancé en 2018 un groupe de rock parodiant la parole macroniste.
« Guillaume est profondément d’une gauche humaniste, oui, mais il n’est affilié à aucun parti, aucun mouvement, nuance Alex Vizorek. Quand les gens l’imaginent en bras armé humoristique de LFI, c’est qu’ils n’écoutent pas son travail : le nombre de fois où il conseille à Mélenchon de prendre sa retraite ! Le nombre de fois où il s’est fait malmener à des rencontres d’Insoumis ! »
Pour comprendre le personnage, rembobinons son parcours. Il démarre près de Vesoul (Haute-Saône) dans la librairie de ses dad and mom (adhérents à Greenpeace) où l’enfant se plonge dans la presse, notamment satirique, et échange ses premières blagues avec les purchasers. « Je flânais dans la boutique à longueur de journée, confiait Guillaume Meurice à l’Obs en juillet 2022. Les habitués me vannaient, mais je me défendais bien. Les discussions étaient aussi animées que dans un bar. Avec le recul, je pense que ça m’a formé à la répartie et à l’humour. »
Derrière un bac scientifique obtenu en deux temps, des études de gestion puis une brève incursion à Sciences-po Aix-en-Provence, le virage s’opère à 21 ans, à Paris, où au milieu d’un CV constellé de jobs alimentaires , il monte sur les planches. Son audition aux Cours Florent est prémonitoire : il doit se lancer dans un monologue de deux minutes dans la peau d’un… journaliste belge. « Dès que j’ai commencé, tout le public a ri. A ce second précis, sur la scène, j’ai senti que j’étais là où j’avais envie d’être », dira-t-il encore à l’Obs.
Etape suivante : un premier one-man-show à l’âge où ses tempes commencent à grisonner précocement. Il l’appelle « Annulé » et, pas si étrange avec un nom pareil, ne rencontre pas le succès. Ce dernier arrive en 2014 avec son deuxième seul en scène « Que demande le peuple », dans lequel Guillaume Meurice endosse le costume d’un communicant en politique dont il raille les pratiques. Il jouera même un vrai-faux candidat à la présidentielle dans « 2022 » (depuis rebaptisé « 2027 »), son dernier one-man-show en date, en marge duquel il a glané… une petite poignée de parrainages d’élus pour la course à l’Elysée.
Entre-temps, celui qui est né un 14 juin comme Donald Trump ou Che Guevara a façonné son picture de « comique d’investigation » sur France Inter multipliant depuis dix ans les micros-trottoirs politico-comiques dans lesquels il traque les énormités verbales de ses interlocuteurs comme d’autres cherchent l’or.
Au risque de passer pour un donneur de leçons ? « Ce n’est pas quelqu’un de moralisateur, c’est plus un accoucheur de la bêtise qu’un grand information de la pensée, brosse Alex Vizorek. Quand il couvre les conferences du FN, par exemple, il peut lui arriver qu’on lui demande des selfies. Les gens ne sont pas d’accord avec lui, mais il les fait marrer. »
« C’est aussi quelqu’un qui aime profondément le débat, poursuit le chroniqueur belge. Quand il y a des les haineux sur les réseaux sociaux, il passe des heures à leur répondre… et il en a retourné certaines ! Là, je pense qu’il a trop de demandes de gens qui ont envie de le maltraiter, mais il serait succesful de proposer un café à chacun ! »
Entre un documentaire sur la maltraitance des cétacés et un podcast jeune public sur la sauvegarde des océans, Guillaume Meurice s’illustre aussi en librairie avec deux romans, dont « Le Roi n’avait pas ri », en 2021, l’histoire d’ un bouffon de cours tombé en disgrâce. Les propos qu’il prête alors à son héros, Triboulet, vrai personnage ayant exercé sous François Ier, résonnent de manière troublante avec sa propre actualité : « Et si telle était ma fonction ? Détourner sans glisser. Chercher la limite, le level d’équilibre entre le rire et l’offense. Entre la grâce et l’abîme ».
Automobile la frontière entre un bon mot et un mauvais dérapage apparaît de plus en plus effective. Surtout dans une période aussi abrasive. « Dans ce contexte, on est plus observés, donc on doit faire encore plus consideration, notice Alex Vizorek. Plus le sujet est inflammable, plus il faut s’appliquer, bien baliser, et voir par qui tu peux être instrumentalisé. »
S’il confie que la métaphore de son ami et collègue, lui ne l’aurait « pas faite, pas comme ça », le nouvel humoriste de RTL s’interdit de rentrer plus avant dans le débat. « Il y a un seul critère, c’est la loi. » L’avocat Gilles-William Goldnadel ayant annoncé son intention de porter la controverse au tribunal après avoir estimé que « ça devient une spécialité du service public de nazifier les juifs », la justice aura peut-être à statuer. « On verra alors si c’est une blague antisémite », souffle un collègue de Guillaume Meurice.
« Je comprends parfaitement que cette blague peut bénir des gens mais Guillaume n’en avait pas l’intention, ça, j’en suis sûr, appuie Waly Dia, chroniqueur de l’émission du dimanche. Ça fait dix ans qu’il fait cet exercice, s’il était dans cette démarche-là, ça se reconnaît ! Je tique toujours par rapport à l’exigence que l’on a envers les humoristes : pourquoi ne l’applique-t-on pas aux politiques ou aux journalistes ? Nous sommes une cible très facile à dézinguer. Ces derniers jours, dans le débat public, il y a eu une multiplication de propositions racistes, islamophobes, qui n’ont généré que de toutes petites réactions… »
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Reste que, « quand il faut expliquer une blague, c’est que quelque selected n’a pas marché », confie un autre humoriste. Pour Arnaud Demanche, chroniqueur le matin sur RMC, « le mot qu’il ne faut pas accoler à un juif, c’est bien nazi ». « Je ne suis pas d’accord avec sa formule, je ne l’aurais pas utilisé, mais je sais que Guillaume est un bon gars, qui veut sincèrement que le monde soit meilleur. Une maladresse, ça se pardonne. Mais quand tu réalises que tu bénis des gens, il vaut toujours mieux dire désolé. » En attendant, le chroniqueur a prévu de revenir au micro le 12 novembre pour la reprise de l’émission dominicale de France Inter.